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YUNA

Dossier médical

Cystites à répétition post-coïtales entre 19 et 25 ans ; pensées suicidaires ; crises de panique ; douleurs abdominales depuis l'ùge de 6 ans.

Sa vie

« Je suis la derniĂšre d'une fratrie de 3, j'ai 2 frĂšres. Mon pĂšre Ă©tait alcoolique, ma mĂšre soumise. J'ai occultĂ©, effacĂ© une partie de mon enfance, je ne me vois pas vivre cette enfance, je n'ai aucun ressenti. Je sais quand mĂȘme que j'ai subi des attouchements par mes 2 frĂšres entre 6 et 11 ans, je peux mĂȘme dire que j'ai Ă©tĂ© violĂ©e car il y a eu insertion de crayons. Ils Ă©taient mes frĂšres que j'aimais, je ne savais pas, je ne comprenais pas ce qui se passait, je me suis tue. Quand j'ai eu mes rĂšgles Ă  11 ans, je n'Ă©tais pas prĂ©venue, au dĂ©but, je n'ai rien dit non plus et je me suis dĂ©brouillĂ©e avec du papier hygiĂ©nique, puis j'ai compris avec mes copines ce qu'Ă©taient les rĂšgles et j'ai eu peur de tomber enceinte. J'ai alors eu mal au ventre tous les matins au moment de partir Ă  l'Ă©cole, j'ai consultĂ© rĂ©guliĂšrement mon mĂ©decin traitant. J'ai commencĂ© Ă  fumer Ă  12 ans, je fume toujours 30 cigarettes par jour. A 15 ans j'ai dĂ» arrĂȘter l'Ă©cole, j'avais peur de tout, je faisais des crises de panique pour lesquelles j'ai souvent consultĂ© le mĂ©decin, la peur fait partie de ma vie Ă  200%. Les attouchements se sont arrĂȘtĂ©s quand mes frĂšres sont partis de la maison, j'avais 11 ans.

Mon histoire a Ă©clatĂ© Ă  19 ans, tout est remontĂ© quand j'ai eu mes premiers rapports. C'est Ă  ce moment que les cystites ont commencĂ©, que sont apparus des TOC de vĂ©rification qui me pourrissent la vie et les crises douloureuses abdominales ont persistĂ©. En fait j'ai mal du haut des cuisses jusqu'aux Ă©paules. Parfois pendant les rapports des flashs me reviennent dans la figure et on doit arrĂȘter, de toute façon je n'ai jamais eu d'orgasme, sauf une fois. Mon copain a commencĂ© Ă  me dĂ©valoriser, Ă  me culpabiliser, Ă  me maltraiter. Un mal-ĂȘtre terrible m'a envahie, quand j'avais un bouton, une Ă©gratignure, je me grattais pour me faire mal, car quand j'avais mal je me sentais vivante. Je suis allĂ©e voir un psychologue, car autrement je me serais tuĂ©e, j'aurais sautĂ© par la fenĂȘtre pour arrĂȘter les images horribles qui circulaient dans ma tĂȘte, il n'y avait plus de moment de paix, le seul moyen que cela s'arrĂȘte Ă©tait de tout stopper. J'ai pu lui en parler, j'ai eu le bĂ©nĂ©fice de l'avoir dit, mais pas de bĂ©nĂ©fice sur le mal-ĂȘtre. J'ai rĂ©ussi Ă  le dire Ă  mes parents, quand je l'ai formulĂ©, mon pĂšre a dit : 'C'est l'heure de manger', et ma mĂšre : 'Si j'avais su j'aurais fait quelque chose, maintenant c'est trop tard.' Je suis aussi parvenue Ă  en parler Ă  mes frĂšres, l'un m'a dit que j'Ă©tais une menteuse, le second s'est excusĂ©, c'Ă©tait une victoire car cela cautionnait que je ne mentais pas, il a dit qu'il y pensait tous les soirs.

Comme mon mal-ĂȘtre persistait, j'ai fait de l'EMDR qui m'a redonnĂ© une prĂ©sence Ă  la vie, l'envie, l'envie d'ĂȘtre moi-mĂȘme et pas ce que les autres voulaient que je sois, je ne voulais plus me laisser dominer. Je suis nĂ©e Ă  25 ans aprĂšs les 10 sĂ©ances d'EMDR, j'ai pris conscience que j'existais, c'est l'Ă©vĂšnement le plus heureux de ma vie. Pour moi la diffĂ©rence est Ă©norme entre la psychothĂ©rapie et les sĂ©ances d'EMDR. J'ai rĂ©ussi Ă  quitter mon copain aprĂšs 6 ans de vie commune, les cystites se sont arrĂȘtĂ©es pile Ă  ce moment-lĂ . Je suis restĂ©e seule pendant 7 annĂ©es, j'avais le moral, j'avais envie de vivre, j'existais Ă  mes yeux.

Ensuite j'ai rencontrĂ© mon mari avec qui cela se passe bien, je n'ai fait aucune cystite depuis que je suis avec lui. Je voudrais bien un enfant, mais en mĂȘme temps je n'en veux pas car je me sens incapable d'Ă©lever un enfant et je ne veux pas le mettre en danger. Je ne veux pas lui imposer mon mal-ĂȘtre, je ne veux pas lui donner la vie que j'ai eue. Pourtant, parfois j'ai vraiment envie. Si j'ai un enfant, j'achĂšte un fusil et le premier qui l'approche, il est mort.

Depuis 3 ans, mon mal-ĂȘtre est revenu mes frĂšres sont revenus habiter juste en face de chez moi. Le fait que mes parents les laissent venir habiter si prĂšs est une nĂ©gation de ma souffrance. J'ai coupĂ© les ponts, c'est trop difficile d'aimer et de dĂ©tester en mĂȘme temps. Mon pĂšre est mort rĂ©cemment, je ne suis pas allĂ©e le voir, je ne suis pas allĂ©e Ă  l'enterrement. »

Sa réflexion

« Je m'en veux de ne pas avoir parlĂ©, ne pas avoir rĂ©agi. Le vĂ©cu, les traumatismes, le stress peuvent dĂ©truire la santĂ©, je me mets en danger avec ce stress permanent, je dois toujours avoir un anxiolytique sous la main. La peur a une emprise sur tout, il est impossible de se raisonner. Souvent je me dis que je suis un gyrophare toujours en alerte, il n'y a pas de pauses, j'ai un sentiment d'insĂ©curitĂ© Ă  chaque instant. Je suis dans un Ă©tat de vigilance permanente, si je suis dans une piĂšce je sais prĂ©cisĂ©ment tout ce que chaque personne fait, je suis toujours Ă  l'affĂ»t. Je suis fatiguĂ©e car le stress me prend toute mon Ă©nergie, je sais que je vais mal. Depuis une annĂ©e je deviens hypochondriaque, ce qui me fait consulter sans arrĂȘt les mĂ©decins. J'ai honte de ne pas m'en sortir, pourtant j'ai Ă©tĂ© bien aprĂšs l'EMDR, mais je suis retombĂ©e dedans, je ne suis plus ce que j'Ă©tais devenue. J'hĂ©site Ă  refaire de nouvelles sĂ©ances, j'ai peur de ne pas me reconnaĂźtre, j'ai peur d'affronter ce que j'ai vĂ©cu. Il faut que je comprenne que je le mĂ©rite, que j'en vaux la peine. »

Tous les noms propres ont été anonymisés.