ROSALINE
Dossier médical
Endométriose, adénomyose diagnostiquées à 27 ans.
Sa vie
« Je suis la dernière d'une fratrie de 4 sœurs. Mes trois sœurs aînées sont des demi-sœurs par ma mère qui a quitté son premier mari violent. Il menaçait sa famille de mort et serait passé à l'acte sans l'intervention des voisins. Mes demi-sœurs disent qu'elles n'ont pas de père. Ma mère dit que les 5 années passées avec ce mari ont été difficiles mais n'en dit pas davantage. Après s'être séparée de son mari, elle a rencontré mon père et je suis née. Il a assumé mes trois demi-sœurs, il a fait comme si elles étaient ses propres filles. Moi, j'étais heureuse d'avoir mes deux parents et ils s'entendaient bien. Mais un jour, j'avais 7 ans, je suis rentrée de l'école et sous mes yeux j'ai vécu leur brutale séparation. Ma mère a mis mon père à la porte, il a demandé des explications, elle a dit 'tu t'en vas', et il est parti. Ils ne m'ont pas prise en compte, alors que j'étais là, que j'ai assisté à la scène. Ma présence à cette scène a été traumatique, elle m'a marquée au fer rouge, je n'en ai parlé à personne. Les images de cette scène, je les ai toujours dans la tête, j'essaie de les enlever mais je n'y arrive pas. Dans ma vie il y a l'avant et l'après. Ce jour-là, mes parents m'ont perdue j'ai eu une colère contre eux à 8/10. J'avais vu mes parents s'aimer et puis un jour plus rien ! Je ne comprenais pas, dans ma tête de petite fille j'ai pensé qu'ils se séparaient à cause de moi. J'ai eu une culpabilité à 10/10. Les questions que je leur ai posées étaient un appel à l'aide car ce n'était plus possible, mais la porte est restée fermée. Je n'en ai plus parlé à personne. C'est un secret très lourd qui m'a travaillée pendant des années. Qu'est-ce qui s'est passé ? Mon père n'avait pas pu faire quelque chose de grave, il est droit, gentil, il aurait tout fait pour sauver sa famille et mes demi-sœurs aussi, il n'a pas abandonné son rôle de père après la séparation. Mon père a refait sa vie récemment et est heureux. Ma mère a eu plusieurs essais mais n'a pas refait sa vie.
Ma mère, aînée d'une fratrie de 9, a eu une enfance difficile de violence et de labeur : lever à 5 heures pour aller travailler dans les champs de canne à sucre, le soir après l'école elle s'occupait des frères, des sœurs, de la maison et sa mère la battait. Sa mère faisait sa vie, elle n'a élevé aucun de ses enfants qui ont été élevés par les aînés ou par des oncles et tantes. Ma mère a dû mettre sa vie de côté pour la fratrie, elle a assumé un rôle qui n'était pas le sien. Elle a actuellement une fibromyalgie, est considérée comme personne handicapée. Ma grand-mère qui nous a gardées régulièrement a aussi été violente avec nous ses petits-enfants, nous avons reçu de vraies volées. L'une de mes sœurs qui a pris encore plus que les autres en fait encore des cauchemars. Je pense que ma grand-mère a eu elle-même une enfance de violence et on peut même remonter sur plusieurs générations. Ma mère veut et dit que cette violence trans-générationnelle s'arrêtera et doit s'arrêter avec elle.
A 10 ans j'ai eu mes premières règles. Je n'étais pas prévenue, elles ont été horribles, très douloureuses. J'ai été terrorisée. Je m'en souviendrai toute ma vie. Quand ma mère m'a dit que c'était les règles, et rien de plus, j'ai pleuré, j'ai été inconsolable, je me suis sentie tellement mal dans mon corps. Je me suis renfermée sur cette douleur qui me met dans un état second et j'ai eu peur de la suite, je me disais : si c'est cela être une femme ! Mes sœurs ne m'ont pas aidée, elles ont été choquées car elles avaient eu leurs propres règles à 15 ans. Plus tard, la féminité, la sexualité je les ai mises de côté. Quand j'ai commencé à consulter pour des douleurs de règles, on m'a dit que c'était dans ma tête, ce que j'ai très mal pris parce que je sais ce que je ressens dans mon corps.
J'ai eu mon premier rapport sexuel à 18 ans, il a été très douloureux. J'ai eu très mal au ventre pendant plusieurs jours. Je ne m'attendais pas à ce que cela se passe ainsi. J'ai pensé qu'il y avait dans mon corps un truc qui n'était pas normal. J'ai eu honte de montrer à mon copain que j'avais mal car cela l'a mis mal à l'aise et on n'en a pas discuté. Je suis restée pendant 7 ans avec lui et à chaque rapport j'avais des douleurs intenses pendant plusieurs jours, ce qui a espacé les rapports, avec un maximum de deux par mois. J'ai été enceinte et quand je lui ai dit que mon test de grossesse était positif il m'a dit : tu ne le dis à personne. Aussi à cause de cette petite phrase, ce test qui était une bonne nouvelle pour moi est devenu une peur et j'ai décidé une IVG qui n'a pas été faite puisque c'était une grossesse extra-utérine. Il m'a encore demandé de ne pas le dire, j'ai gardé ma souffrance et ma culpabilité de ne pas m'être exprimée. Je suis longtemps restée figée dans cette situation à tel point que pendant longtemps je me suis interdit une grossesse, maintenant c'est plus clair pour moi que je veux être mère. Depuis toute petite j'ai cette envie d'être mère de donner autant d'amour que celui que j'ai reçu. On n'a jamais reparlé de cet épisode, on ne parlait pas, on n'exprimait rien, ce qui est une forme de violence. Quand mon copain faisait des projets avec moi, toujours je me demandais : mais s'il part ! La difficile séparation de mes parents a eu un impact dans ma vie de couple. Ils m'ont montré qu'on peut s'aimer très fort et se quitter brutalement. Je ne veux pas vivre cela, je ne veux pas m'infliger cela, j'ai trop souffert de cette séparation. Je pense que la situation s'est rejouée dans ma liaison, car j'ai des peurs, des craintes par rapport à ma vie personnelle, à ma vie en couple. La peur que mon copain me quitte me faisait vivre dans la crainte de faire des projets, un projet d'enfant par exemple, elle a empêché la relation d'être sereine. Quand j'ai eu 25 ans mon copain m'a abandonnée, il est parti d'un jour à l'autre, 2 mois plus tard il était marié dans la tradition du pays africain dont il est issu et 9 mois plus tard il avait un enfant, ce que j'ai appris par les réseaux sociaux. Mon père ne sait toujours pas que mon copain et moi sommes séparés depuis 2 ans. J'ai peur et je ne sais pas comment lui dire, il va se mettre en colère car il y a eu promesse de mariage qui n'a pas été tenue. Je n'ai pas d'explication à lui donner sur la raison de cette rupture car je ne la sais pas. Comme lui d'ailleurs, je ne suis pas sûre qu'il sache pourquoi ma mère l'a mis à la porte. Après la séparation, je suis restée 2 ans seule, j'avais besoin de me retrouver car j'avais beaucoup donné, j'ai fait beaucoup de choses pour lui faire plaisir, je me suis sacrifiée, sauf sur le plan sexuel où il y a toujours eu du respect.
Depuis 3 mois j'ai une nouvelle relation qui se passe bien. J'ai eu pour l'instant un seul rapport et il s'est bien passé sans douleur après. Le rapport s'est passé en douceur parce qu'avec lui, j'ai pu verbaliser mes problèmes. Mon copain a pressenti que je n'étais pas à l'aise avec le sexe, il a dit : on prendra le temps nécessaire, on apprendra ensemble. Il n'y a ni gêne ni ambiguïté. Cette communication est un bol d'air frais. Au début j'ai été tellement surprise que je trouvais cela suspect ! »
Sa réflexion
« J'ai une image très contrastée de la mère. Celle que me donne ma grand-mère est l'image d'une mère qui a transformé sa fille en esclave parce que ma mère a été son esclave. Cette image n'est pas à sa place. J'ai par contre une très belle image de ma propre mère qui est une mère exemplaire, merveilleuse, femme forte, une guerrière, elle a fait front, elle s'est sacrifiée pour nous. Elle a sacrifié tellement pour nous sauver, elle a tout donné. (Pleurs) Je ne l'oublierai jamais, maintenant je veux prendre soin d'elle. Tous les matins, ma première pensée est pour ma mère, je lui téléphone 4 fois par jour. Sa fierté est que mes sœurs et moi avons réussi. Et en même temps, l'image de femme que me renvoie ma mère est très compliquée. De sexualité on n'a jamais parlé, c'était tabou. En tant qu'être sexué, elle a failli, il y a eu trop de non-dits qui ont été de la violence pour moi. Je ne savais pas comment me situer par rapport à la sexualité, j'ai loupé des choses en tant que femme. Maintenant, ma mère se reconstruit en tant que femme, étayée par ce qu'elle a été en tant que mère.
En ce qui concerne le lien entre l'histoire et les maladies, mes douleurs de ventre sont apparues à 7 ans et je fais le lien avec la séparation de mes parents. Je fais un lien entre l'AVC de ma sœur et les violences qu'elle a subies de la part de ma grand-mère, elle en fait encore des cauchemars ! Quand elle a fait cet AVC j'ai eu l'impression de mourir avec elle, j'ai même eu une jambe paralysée. Ces évènements, avec la séparation de mes parents et ma grossesse extra utérine sont les évènements les plus douloureux de ma vie. J'avoue que lors de mon diagnostic d'endométriose, je me suis dit : pourquoi moi ? Maintenant je comprends que c'est normal que cela tombe sur moi. La symbolique de cette maladie qu'est l'endométriose rejoint ce que je dis : je ne me sens pas trop femme. Toutes les émotions que je n'ai pas pu verbaliser, elles se sont mises dans mon ventre. J'ai grandi comme j'ai pu, j'ai fait endurer tout cela à mon corps. Avec mon endométriose, mon corps s'est exprimé là où j'avais une problématique. Elle est venue révéler mes difficultés à m'affirmer dans ma féminité. Tous mes traumatismes sont venus alimenter les douleurs de cette zone qui souffre. Cette endométriose pourrait me dire : débarrasse-toi de tous ces boulets, toutes ces chaînes qui appartiennent au passé. Je suis dans la mer avec des boulets aux pieds que moi seule peux enlever, si je ne les enlève pas, je me noie : la séparation de mes parents, celle avec mon ex, ma GEU, l'AVC de ma sœur. Avec tout ce qu'on vient de dire je comprends que j'ai endossé une culpabilité qui ne m'appartient pas, celle de la séparation de mes parents. Je dois me réconcilier avec mon enfant intérieur. Une fois que j'aurai fait cela je verrais la vie différemment, avec plus de positivité. Je mérite de m'épanouir dans mon rôle de femme. Cet entretien m'a beaucoup aidée, j'ai déjà 3 boulets en moins. »
Une semaine après l'entretien : « Après l'entretien j'ai beaucoup pleuré, pendant 2 jours. En même temps, cet entretien pendant lequel j'ai pu dire les choses sans filtre, sans jugement m'a aidée à une prise de conscience des blessures qui empoisonnaient ma vie. Depuis l'entretien, j'ai pu mettre les choses au clair avec mes parents, j'ai pu expliquer comment j'avais vécu si difficilement leur séparation, leur communiquer mon malaise et les répercussions dans ma vie alors qu'on n'en avait jamais parlé. Ma mère s'est excusée, mon père est resté plus évasif. Je ne sais toujours pas la raison de leur séparation mais j'ai compris que cela leur appartenait et que je ne voulais plus m'échiner à essayer de savoir ce qui ne m'appartient pas. Je peux maintenant classer l'affaire. J'ai pu aussi écrire à mon ex en lui expliquant comment j'ai vécu notre séparation, sa nouvelle union juste après et sa paternité à suivre. Je ne suis plus dans l'attente de comprendre le pourquoi, je lui ai pardonné.
Au début, juste après le diagnostic d'endométriose, je me suis dit : qu'est-ce que je vais en faire de cette maladie, maintenant je sais ce que je vais en faire. L'endométriose est venue mettre en lumière les mal-êtres que je n'avais ni compris ni pris en compte et n'avais donc pas pu régler. Maintenant c'est différent j'ai compris. Aujourd'hui, j'ai pu dire ce que j'avais à dire, j'ai libéré pas mal, jamais je n'avais pu m'exprimer autant dans le détail, cela m'a beaucoup aidée. Je peux relâcher. Merci énormément.
Depuis l'entretien, j'ai fait une séance d'ostéopathie et je fais les exercices que l'ostéopathe m'a donnés et les douleurs sont différentes, j'arrive mieux à les gérer.