EUPRAXIE

Dossier médical

Naissance de deux garçons à 27 et 29 ans, naissance d'une fille à 31 ans. Tentative de suicide à 31 ans. Fausse couche à 33 ans. Naissance d'un garçon à 34 ans. Naissance d'un garçon à 37 ans, pré-éclampsie, 2 jours de réanimation. Naissance d'une fille à 39 ans, pré-éclampsie, 3 jours de réanimation.

Sa vie

« Je suis enfant unique, j'ai eu une enfance difficile, ennuyeuse et solitaire, il n'y avait pas de place pour moi dans la famille. Je ne sais pas si mes parents m'ont désirée. Mon père n'était pas père, il était présent mais complètement absent, un mur, l'indifférence totale, comme si je n'existais pas, il ne parlait pas. Je n'ai eu ni son amour ni sa tendresse, seulement de l'indifférence. J'étais dans une très profonde solitude, une solitude extrême. Ma mère travaillait beaucoup, était absente, elle n'était pas maman, elle n'a pas été la maman que j'aurais voulue, elle disait : tu ne manques de rien. En effet j'avais des jouets, des habits, on partait en vacances sur la côte d'azur, il ne me manquait rien... sauf l'essentiel, l'amour et la tendresse. J'avais l'indifférence de mes parents. J'ai mieux compris mon père quand j'ai appris qu'il était né d'une mère célibataire de 18 ans et d'un officier allemand pendant la guerre. C'était un secret de famille qu'il a appris tardivement de même que la cause de la mort de sa mère deux ans après sa naissance. Elle est morte après une IVG qu'elle a subie après une nouvelle grossesse avec un autre homme.

Vers 10 ans je suis allée en vacances avec 2 cousins que j'aimais beaucoup, l'un avait 2 ans de plus que moi, l'autre 4. J'ai subi des attouchements avec pénétration digitale. J'ai compris que cela n'était pas normal. C'est un truc qui est dans un coin de ma tête et qui me dérange. C'est la première fois que j'en parle.

A l'adolescence, j'ai découvert l'amitié, la vie sociale. J'ai eu mon premier rapport à 16 ans qui s'est bien passé, j'ai eu à ce moment-là une pyélonéphrite. J'ai rencontré mon mari à 20 ans, je voulais une famille nombreuse, j'avais trop souffert de mon isolement, mon mari voulait 4 enfants. A31 ans après la naissance de mon troisième enfant, il y a eu une crise dans notre couple, mon mari est parti pendant 8 mois, c'est à ce moment-là que j'ai fait ma tentative de suicide, j'ai mis un an à m'en remettre. Il est revenu et nous avons eu notre quatrième enfant. Pendant ma grossesse pour mon cinquième enfant, dont il avait fallu arracher l'accord à mon mari, on a diagnostiqué à ma cousine qui est très importante pour moi un cancer de l'ovaire, c'est à la fin de cette grossesse que j'ai fait une pré-éclampsie. Ma cousine est morte quelques mois après l'accouchement. Ma sixième grossesse est un accident de contraception, mon mari voulait que je me fasse avorter, moi je ne voulais pas, c'était horrible, je ne dormais plus, j'ai été incapable de faire une IVG, la grossesse a été difficile. »

Sa réflexion

« Mes pré-éclampsies ne sont pas arrivées par hasard, elles ont du sens. Enfant j'ai souffert d'une profonde solitude. Après mon premier accouchement, la première chose que j'ai pensée, c'est : à partir de maintenant tu ne seras plus jamais seule, mais en même temps à partir de cette date il était impossible que je sois malade ou que je disparaisse. Depuis que je suis maman, je suis étreinte dans une angoisse de la maladie et de la mort qui impacte mon quotidien, je fais parfois des crises de panique, cela me paralyse dans la vie de tous les jours. J'ai peur de laisser mes enfants avec ce sentiment d'abandon que j'ai vécu dans mon enfance. Et plus l'âge avance, plus l'angoisse monte. Le diagnostic de cancer avancé de ma cousine a cristallisé cette angoisse de mort. A partir de ce moment il y a eu une explosion de cette angoisse de mort qui est liée à mon statut de mère, j'ai fait une pré-éclampsie pour mes deux dernières grossesses, celles qui ont suivi ce diagnostic de cancer et le décès. Mes pré-éclampsies m'ont servi à dire stop à mon besoin de maternité, un signal pour ne pas mettre ma vie en danger ».