TOSCA
Dossier médical
Obésité morbide (poids : 165 kg, taille : 1,80, IMC : 49), chirurgie bariatrique à 17 ans sleeve, chirurgie d'un tablier abdominal à 21 ans. A 24 ans, poids à 85 kg.
Sa vie
« Mes parents étaient sur le point de se séparer ; ils ont décidé de faire un enfant et je suis née. Je suis restée leur unique enfant, j'ai eu une toute petite enfance heureuse avec leur amour. Ils se sont séparés quand j'avais 8 ans, j'ai fait à cet âge-là ma première crise d'urticaire. Ma mère m'a raconté que, quand j'avais 4 ans, un jour elle m'a dit : 'Est-ce que tu sais que j'ai une maman ?' Personne ne m'en avait jamais parlé et je n'en avais pas besoin, elle est arrivée comme un cheveu sur la soupe cette grand-mère maternelle. Ma mère m'a expliqué que j'ai mal réagi à l'annonce, elle m'a dit que j'ai commencé à avoir de l'embonpoint à cette époque. Je suis la seule dans la famille à être en surpoids. En fait ma mère a été abandonnée par sa propre mère à 4 ans, elle a été déposée avec ses 2 sœurs chez ses grands-parents ; sa mère a par contre gardé ses 2 fils. Les 5 enfants étaient de 3 pères différents. Une des sœurs de ma mère, droguée, s'est suicidée à 26 ans.
Si ma petite enfance jusqu'à la séparation de mes parents a été heureuse, mon adolescence a été terrible. A 13 ans, j'ai pris contact avec ma grand-mère maternelle que j'ai voulu rencontrer, ce que je regrette profondément. Je n'ai pas du tout aimé le personnage, j'aurais préféré ne pas la connaître. Elle a voulu m'acheter, je ne veux plus la voir.
A 13 ans, mon grand-père paternel qui est un des hommes de ma vie est mort d'une leucémie après 6 mois de fin de vie difficile, il pesait 30 kg à sa mort. Ma mère refusait que j'aille le voir car elle ne voulait pas que je garde cette image de lui. Je le regrette et je lui en veux. Toujours à 13 ans, j'ai perdu mon père. Il avait de naissance une malformation d'une jambe qui a entraîné de nombreux examens médicaux, des frais pour mes grands-parents. Ils le lui rappelaient souvent en lui reprochant de leur avoir empêché l'accès à la propriété du fait des dépenses induites. Après sa séparation d'avec ma mère, mon père est resté 3 mois en hôpital psychiatrique, ce qui m'a été caché, je ne l'ai appris qu'à sa mort. Après la séparation, je l'ai vu de temps en temps, mais les relations avec lui étaient très difficiles, voire insupportables, il avait une amie que je détestais. Néanmoins, à mes 13 ans, j'ai passé 2 semaines de vacances avec lui. Ces vacances n'ont pas été faciles ; au retour il a passé une nuit au volant fumant joint sur joint, j'ai eu peur de mourir avec lui sur la route des vacances. Huit jours après notre retour, il s'est pendu. Je pense que mon père s'est drogué à la cocaïne, à l'héroïne, mais on me l'a caché. En fait mon père était drogué, bipolaire, il n'a jamais été bien dans sa vie, toujours écorché vif. Tous ces secrets ont énormément pesé sur moi. Sa mort est l'évènement le plus difficile de ma vie, j'ai pris 10 kg en quelques semaines et j'ai continué à grossir. »
Sa réflexion
« C'est au moment de cette adolescence terrible que tout a basculé au point de vue du poids. Mon surpoids m'a protégée de tous ceux qui me faisaient du mal, je me suis entourée d'une carapace. J'ai décidé de me faire opérer car je pensais que ce surpoids m'empêchait de rencontrer l'amour. J'ai rencontré mon compagnon à 19 ans, 2 ans après la chirurgie bariatrique. Je sais maintenant qu'on peut avoir l'amour et le surpoids, il me dit que si je reprenais mon poids cela ne le gênerait pas.
J'ai fait une grosse erreur en me faisant opérer, si c'était à refaire je ne le ferais pas, c'est très clair pour moi. J'étais plus à l'aise avant l'opération, plus sûre de moi, c'était ma différence, ma façon d'exister, c'est carrément cela. Mon surpoids me protégeait de plein de choses, c'est comme si maintenant j'avais perdu ma carapace et il y a des jours où je suis tentée de reprendre les kilos perdus. Cette chirurgie aurait pu et dû être évitée, les médecins ont failli dans leur indication, le chirurgien était seulement intéressé par l'intervention, le reste ne l'intéressait pas. Le psychiatre que j'ai vu une seule fois, a cherché à savoir pourquoi je voulais me faire opérer, pas pourquoi j'avais ce surpoids. Moi je pense que rien n'aurait pu éviter ce surpoids car il me protège des aléas de la vie, il n'est pas un hasard. Le monde me fait peur, il faut que le monde aille mieux pour que les gens aillent mieux. Peut-être s'il y avait eu une autre prise en charge globale, aurait-on pu éviter cet extrême des 165 kg ? Je suis contente d'être venue à cet entretien, il m'a permis de clarifier les choses. Les médecins devraient écouter les patients. »